la subversion est instructive

mardi, mars 07, 2006

tous ensemble quoi?

à ce qu'on dit, il se passe des choses, des choses importantes même: les étudiants se bougent pour lutter contre le CPE. jusqu'ici tout va bien. seulement il pourait être intéressant de savoir pourquoi, et là tout se complique.
quoi, c'est pourtant évident, c'est une remise en question fondamentale du droit du travail etc. etc. et blablabla et blablabla....
hum. admettons. et?
dois-je comprendre que tous ces gens que je connais bien, pour certains d'entre eux, et pas du tout pour tant d'autres, sont en réalité de fervents défenseurs du droit du travail français (qui entérine tout de même un mode d'organisation capitaliste que je sache)? ça me décevrait trop... vraiment trop.
ce qui me répugne dans ce Contrat Première Embauche, c'est finalement la même chose que ce qui me répugne dans n'importe quel autre contrat, sauf que là c'est encore plus clair bien sûr. mais ce n'est que l'aboutissement d'un logique marchande basique. ce qui m'y choque c'est qu'on y consacre un principe jusqu'ici rarement énoncé avec autant de brutalité il est vrai (quoiqu'il faille avoir une perspective historique et géographique bien bornée, et n'avoir jamais été chômeur pour ne pas s'en être rendu compte auparavant) : le citoyen contemporain travaille parce qu'il y est désespérément contraint, et de ce fait il doit accepter n'importe quoi. s'il ne le fait pas il n'est qu'un sale faignant et ne mérite pas mieux que la place de marginal (lequel est généralement d'autant plus, pour autant, fasciné par l'espoir d'une normalité) qui lui est attribuée dans une société où l'on méprise celui qui ne s'avilit pas autant que soi, où l'on se vautre dans une aliénation acceptée avec gratitude... plaisir diraient même certains, non je ne fais référence à personne.
or rien de moins évident que cette nécessité de s'abaisser à obéir à l'impératif laboral (du moins dans la société actuelle, puisqu'on a décidé qu'on gardait les pieds sur terre, mais si mais si). le travail aujourd'hui n'est rien d'autre qu'un moyen de gagner de quoi continuer d'acheter. en réalité non, le travail est plus que ça, puisque c'est un des éléments de la fuite en avant généralisée dans une société du crédit (si nous travaillons, ne l'oublions pas, c'est également parce que nous avons acheté compulsivement auparavant, et que le banquier nous inspire la même peur que celle qui nous nouait le ventre au moment d'aller en cours sans avoir fait les exercices 3 et 7 de la page 112.. pauvres petits enfants irresponsables que nous sommes).
il est vrai que l'on voit mal comment y échapper à cete engrenage tentant et terrifiant... mais c'est le jeu. le jeu du marché capitaliste. qu'en attendre d'autre?
c'est le taraudage angoissant du travailleur sans travail, de l'exploité incertain de ce que son exploiteur recquérra encore ses services dans quelques mois, qui pose problème. et, il est vrai, le CPE pose en clair cette question de la précarité, et à ce titre il est profondément infecte et repoussant. cependant il ne s'agit là que d'un cadre plus ou moins formel donné à une réalité sociale, et non intrinsèquement juridique et donc réglable par le droit(et vivent les jeunes hégeliens de gauche....). c'est la domination même mise en oeuvre par le capitaliste pour réduire à sa merci un prolétariat d'autant plus démuni qu'il ignore le sens de sa lutte qu'il nous faut combattre. et c'est une révolution sociale et politique seule qui peut constituer un horizon satisfaisant pour nos luttes d'aujoud'hui, si minimales qu'elles soient. bien sûr c'est démesuré pour nos forces somme toute très limitées; mais il arrive qu'à force d'y croire on y arrive.. qui m'a dit ça déjà? et en tout cas il serait immoral de tricher avec nos finalités pour justifier nos actions au jour le jour.
je ne dis pas qu'il ne faille pas lutter contre l'adoption du CPE. je dis seulement qu'en faire le Grand Objectif, Test de la Démocratie est complètement démesuré et absurde, et bien plus que de rêver de révolution. il pourrait s'agir d'un "événement important" s'il permettait enfin de mettre à jour un système plus profond mais ce n'est pas le cas, l'UNEF l'a interdit, donc je ne vois pas l'intérêt de s'y focaliser. le caractère exceptionnel du CPE tenait précisément à ce qu'il s'agissait de consacrer un système, de le couronner dans une apothéose antisociale, et l'on en a fait une inexplicable déviation, la preuve d'un rejet villepiniste (ouh que c'est beau comme mot dis donc) du droit du travail, alors qu'il en est un nouvel aboutissement.
c'est la notion même de contrat de travail qui est à rejeter, puisque dans une situation où nous ne pouvons pas rejeter le travail (non comme moyen de produire les biens et services nécessaires à la satisfaction de nos besoins, qu'ils soient primaires ou pas, mais comme moyen d'obtenir l'argent pour payer des biens que nous avons produit sans trop savoir pourquoi d'ailleurs, mais qu'on achètera parce qu'il "faut" les avoir), en gros le travail salarié donc, le contrat de travail ne peut se faire qu'au détriment du travailleur, lequel a "besoin" du job, de la pega. la notion de précarité est donc inhérente au travail capitaliste. puisque nous n'avons pas la propriété du fruit de notre travail, nous devons l'acheter, nous avons donc besoin d'argent pour vivre, donc de salaires, ... donc forcément on acceptera n'importe quoi comme conditions de travail, et ça de plus en plus... la conscience de cet état de fait existe même un peu, à l'état embryonnaire disons, dans la critique du CPE quand on dit que cela empêchera le salarié de prétendre à de meilleures conditions de travail.. mais n'est-il pas clair pourtant que premièrement c'est empiriquement un peu vrai dans n'importe quel boulot, deuxièmement c'est inhérent à la nature du travail capitaliste? on peut bien sûr mettre des limitations relatives à cet état de fait, pour le rendre plus supportable, mais des mesures réformistes peuvent-elles faire autre chose que légitimer la précarité "résiduelle" (en fait de résidus...) et entériner un état de fait détestable? ne serait-il pas beaucoup plus logique de vouloir s'attaquer à la racine des problèmes?
cela n'empêche pas une action de solidarité au jour le jour avec ceux qui souffrent de la précarité quotidienne. cela n'empêche pas les revendications partielles évidemment. cela n'empêche pas d'exiger le retrait du projet de CPE. cela n'empêche rien, sauf de mettre un faux discours sur ces actions humainement légitimes sans être pour autant des fins politiques.
une fin véritable pour cette action serait à mon sens une révolution totale changeant le sens du mot travail et abolissant le salariat. un travail autogéré (donc dont les produits seraient une propriété collective, sans que l'activité-travail soit la propriété de qui que ce soit d'autre que le travailleur lui-même). donc un travail gratuit et ludique. suite au prochain épisode..
ah non, juste un truc, quant à l'argument "et là ça nous concerne directement, nous les jeunes" je trouve difficile de faire plus mauvais et plus haïssable. c'est censé être un argument politique? je comprends mieux pourquoi on a laissé les émeutiers "de banlieue" (avez-vous remarqué la rapidité de leur anoblissement?) se faire arrêter et expulser sans faire autre chose que des rondes citoyennes pour protéger nos bagnoles. pourquoi on a laissé les traminots de marseille renoncer à leurs salaires pour faire grève sans lever le petit doigt. pourquoi on s'est émus de la répression du mouvement des travailleurs des ferrys corses en pensant quand même, il a du culot sarko, et en tournant très vite la tête. elle est encore toute brillante, toute neuve avec une odeur de plastique l'expression "convergence des luttes", elle a pas dû servir beaucoup............

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