mardi, mars 20, 2007

Parce que c’était elle, parce que c’était moi.


Enfin surtout parce que c’était elle. Moi je n’y suis pour rien, en fait, rien du tout. Je nie en bloc. D’ailleurs vous n’avez qu’à demander aux autres, elle leur a fait le coup à eux aussi. Et le pire c'est que même en sachant ça, je ne peux pas faire un trait sur elle. Un vrai poison, non.

Au début en croit qu’on l’aime juste comme ça, comme on aime la mer ou les chevaux. On croit qu’on pourra repartir, reprendre la route ou l’avion un jour, en gardant juste les beaux souvenirs. On s’imagine sérieusement qu’on réussira très bien à vivre loin d’elle. Qu’on a notre vie, quoi, notre indépendance. Sauf qu’après on réalise que l’Argentine ça ne peut pas être une histoire d’un soir. C'est pas son genre les amourettes de vacances.

Bien sûr il aurait fallu y penser avant, y réfléchir un peu. On ne s’embarque pas dans un road-trip comme ça sans en peser sciemment les conséquences. Mais je ne savais pas, moi ! J’avais des étoiles plein la tête et les Beatles à fond dans les oreilles. J’étais heureuse de partir, c'est tout, heureuse de monter dans le car aujourd’hui et d’attendre le pouce levé, le lendemain, qu’un camion s’arrête. Ou l’inverse.
Heureuse de répondre « Ni idea » quand on me demandait où est-ce que j’allais. Non mais, d’où est-ce que j’aurais bien pu sortir une réponse ? Je suivais la route d’un convoi de pétrole, puis je regardais des ouvriers la nuit charger les troncs dans la remorque, à la frontière (ou peut-être un peu après, mais vous êtes de la police ou quoi ?). J’écoutais l’histoire de la traque des maquisards près de Cordoba en mâchant de la coca. Et je voyais les milliers de papillons blancs qui mourraient à la fin de l’été sur la chaussée, sous nos roues. Je dormais trois heures dans le coffre de la camionnette pendant qu’on longeait l’océan. Je préparais le maté sur le réchaud à gaz, dans la cabine, pour un vendeur de lait et son fils de six ans. Les kilomètres défilent par centaines tous les jours, là-bas. Et rien, rien, entre deux villes. La France a l’air d’une pays de nains à côté. Désolée si j’y étouffe mais il faut le temps de se réhabituer. Et pourtant cela fait déjà deux ans, et pas les moindres.

Mais depuis que je l’ai connue, je ne peux plus me contenter d’amours passagères. Dans aucun domaine, d’ailleurs. Je me suis mise à haïr le « faute de mieux ». J’ai repris du maté, récemment ; le sachet d’herbe que j’ai commence à s’éventer, la calebasse avait pris un goût un peu acide. Mais ça a beau me rappeler un connard très peu intéressant, quand je sens la bombilla qui me brûle les lèvres et que l’amertume glisse, apaisante, se répand, c'est dans tout mon corps que je la perçois, et c'est un pays entier que je sens autour de moi. Ce n’est pas que le connard en question, c'est aussi ses potes, leurs enfants, mes amis. C'est Mendoza et les soirées improvisées qu’on a fait chez des copains rencontrés à la gare. Ils flânaient, j’essayais de ne pas m’endormir. C'est Boca et la tête du vendeur qui n’a pas l’habitude de vendre une place à une fille seule. C'est la petite gitane de River qui m’a aidé à passer le pont vers le Brésil. C'est les gens, tous plus beaux les uns que les autres. Les parilladas, les pommes de terre roulées dans le papier alu et enfouies sous la braise, et le parfum de l’oignon.
Ça me manque. Mais pas un peu, vraiment. Et attention. Si vous me dites que vous m’accompagnez, je vous prends au mot, vous êtes prévenus.

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3 Comments:

Blogger Pierre said...

Le défi ultime serait de déguster un haggis au bord de la pampa...
C'est un défi à ta mesure non?

22 mars, 2007 09:35  
Blogger Félix said...

J'ai du maté si tu veux.

11 avril, 2007 23:29  
Blogger A. Lesage said...

Ca m'intéresse. Tu es sur Paris?
(Désolée j'ai pas pu répondre avant, j'avais pas internet.. Serais-tu par hasard "Tequiles"? Mon mail est dans du "profil détaillé" du blog, suffit de rajouter gmail.com. A +)

17 avril, 2007 11:44  

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