jeudi, octobre 05, 2006

Dans un nuage d'étoiles

Si Klimt n'a pas été amoureux, je me demande qui l'a jamais été. Le roux incendiaire du cadre, les dorures bariolées, et l'abandon, tout est tendresse et folie, union d'agapè et d'eros.
Elle, presque morte contre lui, blanche et défaillante. Lui, puisant desespérément sa substance en elle, faisant ployer sa force et sa vie pour se fondre encore plus avant dans le petit être qui lui fait face et l'entraîne dans sa chute. Comme il tient son visage pâle avec ses doigts crispés, comme il l'embrasse, comme elle l'aime et comme ils tremblent tous deux.
Tombée à genoux, les yeux clos, elle vacille intérieurement, prise entre une angoisse incontrôlable, un affolement vertigineux, et l'envie de retenir serrée dans la sienne cette main qui la désire, de ne laisser aucun espace s'insérer entre leurs corps épris. Rien n'existe plus qu'eux deux, perdus dans leur bulle brillante, au bord du gouffre. Ses pieds pendent dans le vide.
Penser qu'on peut être heureux ainsi est étrange, sans doute.
Mais penser qu'on puisse être vraiment, autrement qu'ainsi est un mensonge.
Il est vrai que l'amour fusionnel n'est pas exempt de risques, qu'il n'est même que ça, et qu'il est immature, et morbide, et tout ce qu'on veut, mais c'est le seul qui en vaille la peine. L'amour mature est monstrueux à mon goût. Je continuerai désespérément à croire qu'aimer c'est chercher l'être de l'autre et vouloir s'y anéantir, et je continuerai à être malheureuse, et tant pis.

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